La poésie a de tout temps émerveillé l’assistance : Certes elle ne véhicule pas une vérité universelle et définitive, mais, en lisant un beau poème, nous acquiesçons de tout notre être, cette joie d’avoir partagé un moment de beauté : Oui, heureux d’avoir touché à quelque chose de juste, au moins de par sa cohérence interne et de sa résonance en nous-même. Le recueil que nous vous invitons à découvrir est de cette volupté : Omri – qui veux dire Ma vie.
Ce recueil de poèmes est beau à lire, à découvrir : « Omri » est à fois la vie du poète et la vie dans laquelle s’inscrit celle du poète. Je voulais donc débuter avec vous la beauté de ces deux extraits que nous devons à AbdeMadjid Benmohammed.
Extraits du recueil
Si j’étais Dieu, j’aurais fait l’univers rien que pour toi
Si j’étais un empereur, j’aurais laissé mon empire pour toi
Si j’étais moi, je me serais suicidé, rien que pour toi.
Ou bien celui-ci, de toute beauté !
Verse-moi ta passion.
Verse-moi ta passion, clair soleil qui m’enflamme
Ma terre s’est engloutie et mon ciel s’est pendu
Verse-moi ta passion, douce étoile qui me charme
Ma mère s’est assoiffée et ma pluie s’est perdue.
Question 1 – Madjid Benmohammed bonjour. Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Vous êtes un auteur qui possède une vingtaine d’années de recherche et d’enseignement universitaire dans les sciences physiques, pourquoi la poésie ?
Réponse 1 – Bonjour. Dans le tome 1 et 2 du Chaomian je suis arrivé à la conclusion que la science est uniquement une partie de la vérité sur la réalité physique, il lui manquait deux autres facettes ; la philosophie pour poser des questions existentielles et l’art pour nous élever à ce qui humain ; la beauté esthétique qui est la caractéristique fondamentale de la création. J‘avais alors parlé de la convergence APS (Art Philosophie-Science) pour avoir une compréhension plus sensée de l’humain, la nature et l’univers ; ce que j’ai appelé alors la conscience humaine et sa liaison avec la conscience de l’univers.
L’Art, la Philosophie et la Science sont cloisonnés dans des ruisseaux asséchés depuis la modernité cartésienne qui a sectionné les disciplines dans des hyper disciplines sans les relier. Cette disjonction ne ramène qu’intolérances. Retirés dans leurs tours d’ivoires, les hyper disciplines sont restés coupées de leur organe global : le sens, la finalité, la beauté et la conscience du TOUT.
Le Philosophe traduit le scientifique sans savoir le lire et le scientifique lit le philosophe sans savoir l’écouter. Ils ne peuvent s’entendre qu’à travers l’Art qui relie la Philosophie et la Science par l’émotion humaine.
La Philosophie a rompu son lien avec l’art: Elle n’a plus d’esthétique. La science a rompu son lien avec la philosophie: elle n’a plus de sagesse. L’art sans la science et la philosophie n’a pu évoluer. Il est ainsi mort dans l’abstraction des nombres et des particules élémentaires.
La divergence de la connaissance conduit à la divergence de l’être, de l’esprit et de la société qui se retrouvent à la lisière du chaos. Il est temps de la réconciliation avec soi, les autres et la nature cosmique !
Je rappelle que les anciens penseurs étaient tous dans l’hyper disciplinaire. Aristote a contribué à presque tous les domaines de la connaissance, dont la biologie, la physique, l’éthique, et la politique. Il avait une vision du monde qui combinait science et esthétique. Al-Farabi était un philosophe a combiné des idées philosophiques avec des connaissances scientifiques en physique, mathématiques et musique. Omar Khayyam est l’auteur des célèbres Rubaiyat et a contribué à des travaux sur la résolution d’équations algébriques.
Après plus de 30 and dans les sciences physiques en relation avec les atomes, les matériaux et les machines, je me sentais déshumanisés, alors je voulais investir les deux autres aspects de connaissance qui me manquait : la philosophie et l’Art afin de comprendre l’humain ; de saisir, son sens et sa finalité existentielle dans cet Univers.
Je me suis alors investie avec un essai philosophique (mais en réalité aussi sociologique, historique, anthropologique et scientifique) ; le Chaomain en 6 volumes qui reprend un peu une épopée de notre espèce humaine en partant du Big-bang, à la vie, aux civilisations et à l’IA. Je voulais suivre les épopées de mes héros : Dante, Goethe, Darwin, Nietzche, Marx, Planck, Abdou Salam, Penrose… et trouver mon sentier.
Je me suis aussi investi dans l’Art avec le roman, le théâtre et la poésie. C’est dans ce sens que Omri, un recueil de poésie, a été une tentative pour moi de laisser mon imaginaire subconscient se révéler à moi mes sombres profondeurs dans une séance, disons surtout de psychanalyse. La littérature a été une passion de toute une vie, j’ai voulu passer de l’autre côté, écrire pour apprécier plus ce plaisir esthétique.
Enfin ma remarque est que c’est plus raisonnable de passer de la science à la philosophie ou l’art que le contraire, car la méthode scientifique nous permet de filtrer dans la philosophie ce qui est insignifiant, délire, insensée ou déraisonnable.
Question 2 – Ma question, reprend justement un extrait de Omri. Vous dites :
On en veut toujours aux autres.
Et presque jamais à soi
Notre ego nous détruit.
Peur de concéder notre laideur en face
De dire pardon et de pardonner
Beaucoup vont sans doute se reconnaître dans cette description. Pourquoi à votre avis, on rejette presque toujours la faute sur l’autre et jamais sur soi ?
Réponse 2 – Omri reprend toujours des thèmes philosophiques. Ici le thème de mon essai ; « Diabolisation et Divinisation » qui est paru en Algérie et que je développe aussi dans le tome 1 du Chaomain sur la « Raison ; Vérité, Vertu et Vision’ en combattant l’idée du Vrai et du Bien pour prêcher celle du Beau que l’Art nous donne !!!
Tout part de la philosophie grecque de la Vérité et la Vertu (qui sont des idées platoniques tragiques qui donnent les idéalismes et les idéologies) et ensuite de notre embrigadement dans des cultures locales déconnectées de l’espèce humaine. Tous les pays sont possesseurs du Bien et font la guerre à l’axe du Mal ; nous-autres. Ceci produit les génocides. C’est ce qu’Amin Maalouf appelle l’identité meurtrière. Mandella a arrêté ce cycle par le pardon. Nous sommes tous des autres pour nous-autres.
Toute l’entreprise de ma vie et mes écrits est de plaider pour cet humain universel dont j’ai eu le premier coup de cœur avec mes lectures de jeunesse; le « fils du pauvre » de Mouloud feraou est local, mais il est universel. J’ai vécu dans ce milieu kabyle local, mais tellement humain. Ensuite est venu un livre qui m’a bouleversé ; celui d’un géant algérien que peut connaissent ; Nabhani Koribaa avec son livre « L’humain universel, Anthropologie esthétique », ici j’ai senti ma vocation universel relié à la philosophie et l’esthétique. .
Question 3 – j’ai relevé quelques expressions qui en disent long : j’aurais pu te dire, rencontre et départ, tu es venu et tu es parti, tu me manques, sous les ruines de mes restes. Sommes-nous donc condamnés à vivre constamment dans cette envie inaccessible de ne pouvoir connaître, vivre ou garder l’âme-sœur ?
Réponse 3 – Mon opinion revient toujours à la philosophie avec le Banquet de Platon ou on nous apprend le mythe de l’androgène (homme et femme a la fois) qui a été séparé par les dieux en tant que femme et homme comme une damnation. Nous devons voir la femme comme un être humain pour se rapprocher d’elle. Quant aux restes des humains, ils sont un Enfer selon Sartre.
Tout nous sépare, car nous sommes tous des identités sectaires qui ne reviennent pas é l’espèce humaine. Nous sommes la seule espèce prédatrice de sa propre espèce.
La fission comme la fusion avec ou dans l’autre sont impossibles. Nous sommes comme les gouttes d’eau de l’océan séparé par notre propre nature auquel (lire le Gene égoïste de Dawkins) on rajoute une séparation de culture, d’ethnies, de couleur, de classe…
Nous sommes incomplets et ceci aussi selon le théorème d’incomplétude Gödel. Une longue histoire
Qestion 4 – Omri, est donc la vie du poète, est-ce le portait intérieur de l’écrivain, de vous ?
Réponse 4- Non absolument pas, Le mot Omri est un hommage à la chanson Omri d’Om Kaltoum et surtout à son poète Rami. Les poésies de Omri sont juste des visions esthétiques en écoutant comme je l’ai dit Om Kaltoum chanter et en essayant des thèmes philosophiques qui eux me touchent. Je me suis aussi posé la question si les artistes sont des acteurs qui interprête justedes émotions.
Ma perception est que l’artiste doit rêver les yeux ouverts. L’esthétique est un imaginaire, mais il doit être conduit par une technique qui doit diriger la composition musicale ou autre. N’oublions pas la peinture, la poésie comme la musique obéissent à des lois qui dont leur abstraction sont des figures mathématiques ! Le livre de Douglas Hofstadter (Gödel, Escher, Bach : Les Brins d’une Guirlande Éternelle) exprime cette relation entre mathématique avec Gödel, peintre avec Esher, et musique avec Bach.
Finalement, Omri est surement à mon insu un exercice de psychanalyse de soi qui n’est pas égotiste. Il décrit non pas uniquement ma personne, mais toute personne. Une poésie, une peinture ou une composition ne peut être humaine si elle ne touche pas un autre humain.
Omri est un hommage à ce que l’humain a le plus beau en lui : son humanité
Permets-moi pour finir de reprendre ce texte sublime qui exprime bien cette vocation esthétique universelle de l’humain qui a influencé toute ma vocation universelle, une vocation qui part du Local, le fils du pauvre de Feraoun, au global, l’humain Univesel de Nabhani
« Les souvenirs d’enfance sont comme des pierres précieuses. Ils brillent dans le cœur et illuminent les jours sombres. Je me souviens encore des longues journées passées à errer dans les rues de mon quartier, à rêver de grands horizons et de meilleures opportunités.”, Mouloud Feraoud, le fils du pauvre.
« Par-delà les barrières des races, des croyances, des civilisations et des langues, les artistes de génie qui expriment un fonds commun, humain et universel, se rencontrent dans les hauts sommets et dans les profondeurs. L’artiste de génie voit les choses à l’échelle de l’humanité et comme il exprime ce que tous les hommes ressentent consciemment ou inconsciemment en eux, il résume tous les cœurs ! », Nabhani Koribaa, Humain Universel
Entretien Djaffar Kaci avec Bemohammed