« Il est des intellectuels comme du soleil d’hiver. Ils brillent, mais prodiguent peu de chaleur. », Jean-François Revel, Entretien avec Olivier Todd – février 1997
Les nouveaux intellectuels sont là, non pas pour délivrer les peuples de leurs croyances pour devenir libre, mais pour leur donner l’idée qu’ils peuvent se libérer comme les religions leur donnaient l’espoir qu’ils pouvaient allait au paradis. Un espoir désespéré dans un Dieu qui ferait payer aux riches leur exploitation des pauvres le jour du jugement. Marx voulait faire payer la note ici-bas, mais pour tous les deux les paradis promis n’étaient que des enfers.
Sur les ruines du philosophe, on assiste à la naissance de l’intellectuel livresque qui est plus attiré par les mots, les discours et les plateaux de TV que par les êtres qu’il ne côtoie presque jamais. Il aime les livres, mais se sent mal à l’aise avec la réalité. Il connaît l’être historique, mais pas l’autre présent.
L’intellect recherche dans les mots la force qui galvanise les communs dans une histoire sublime qui leur manque. Une histoire mythique des dieux dont le pauvre commun a besoin pour surmonter son insignifiance.
Le citoyen s’ennuie et veut plus de sublime pour alimenter sa misérable existence dans une ferme à cochons sans espoir et sans rêve que l’abattoir et la fosse commune. Zorro est arrivé avec le voile de l’intellectuel professionnel !
Lorsqu’on est invisible dans un monde publicitaire, la recette de la gloire est connue ; faire un discours de peur et de haine pour attirer la presse, le peuple, les médias et les sponsors. Il faut renchérir, blasphémer les dieux, courtiser les pouvoirs et attirer le regard sur soi. Le pouvoir a compris le besoin d’apparence de ces intellectuels. Il va employer leurs génies-orateurs pour distraire les masses de leurs vraies servitudes économiques. Il va utiliser les intellos comme des jetables recyclables à réutiliser aux grès des effets de lumières, de la scénographie et des psychologies de masses.
Les intellectuels ont trahi leur peuple et leur conscience. Ils se sont engagés pour servir non pas une vérité humaine, mais un employeur. Il ne s’agit pas de renier leur droit d’expression même si leurs opinions sont controversées. Il s’agit de condamner leur monopole de la vérité et de la vertu et leur diabolisation des autres expressions afin d’éradiquer non pas les autres-idées, mais les autres-humains.
L’intellect du moyen-âge était lié au royaume ecclésiastique, celui des lumières aux marchands bourgeois et celui de la révolution industrielle aux financiers.
L’intellectuel est le nouveau prêtre guerrier qui prêche le Vrai et le Bien après la mort de Dieu avec la modernité. Notre désespoir avait besoin de nouveaux prophètes laïques pour nous guérir de notre anxiété, chagrin, peine, impuissance cupidité, lâcheté, et la le fardeau et le poids des dettes et contre la domination (inique) des êtres humains.
Le nouvel intello d’aujourd’hui est professeur dans les études stratégiques. Il connaît Socrate, Freud et Descartes. Il discourt non plus sur la théologie, la grâce et l’amour divin, mais sur la raison, l’histoire et la prose. Il maîtrise les réseaux de neurones, le chaos et la psychologie des profondeurs.
L’intello est une incapacité d’imagination. Tout en lui est idée cultivée en seconde nature qui bloque toute imaginaire de l’univers, de la nature et surtout de l’autre.
«C’est l’un des traits constants de toute mythologie petite-bourgeoise, que cette impuissance à imaginer l’Autre.», Roland Barthes, Mythologies (1957)
L‘intellectuel qui devait questionner le pouvoir (politique et financier), contester le discours dominant, introduire un point de vue critique et humaniste, se retrouve le meilleur gestionnaire de communication et de propagande des intérêts financiers et électoraux du Prince.
Le grand délit des nouveaux intellectuels est de parloter sur des notions abstraites philosophiques sans en avoir étudié l’origine, le contexte et le sens et ensuite de les vulgariser dans la vulgarité populiste. Ils prêchent la liberté de penser qui est devenue aussi une croyance qui nous dispense du devoir de penser par soi-même. Le citoyen pense par procuration sous la bannière des intellectuels vaniteux suffisants qui ont la conviction de posséder des qualités messianiques évidentes sans besoin de justification.
L’intellectuel prêche la divinisation de soi qui passe par la diabolisation de l’autre. Le père totalitaire a enfanté un fils terroriste. En excitant trop le diable, on risque de le réveiller, le faire sortir de sa tanière ancestrale et alors on verra le diable en personne et non pas son image.
L’intellectuel de métier à produit le soldat de métier. Celui qui fait juste son Job : l’éradicatrice de l’autre sans besoin de haine. Des soldats vont tuer des gens qu’ils ne connaissent pas. Les nouveaux croisés ne sont plus asservis à la religion ou la culture, mais à l’emploi, aux Dollars, à la nationalité, ou à la misérable petite gloire d’un selfie en tenue GI. Il fera un retour glorieux chez ses proches, mais il finira dans un syndrome post-traumatique, des meurtres dans sa confrérie, ou un beau suicide. Il rejoindra aux enfers le jihadiste tout en augmentant les actions du Nasdaq.
Le pouvoir draine le peuple vers des guerres perpétuelles par la brouille cultivée dès la naissance jusqu’à la mort par l’éducation et la culture devenues celles des médias et des intellectuels. Un sage chinois confia à son empereur :
« Si vous voulez détruire un pays, inutile de faire une guerre sanglante qui pourrait durer des décennies et coûter cher en vies humaines. Il suffit de détruire son système d’éducation et d’y généraliser la corruption. Ensuite, il faut attendre 20 ans et vous aurez un pays constitué d’ignorants et dirigé par des voleurs. Il vous sera facile de les vaincre. »
Les marchands de la langue ont repris du boulot et sont en pleine prospérité. Les guerres de religion, de nationalisme et de communautarisme font leur retour alors que les sciences et les arts avaient atteint leur sommet. La guerre contre l’axe du mal revient dans un chaos qui annonce la fin d’un monde et la renaissance d’un autre.